En tant qu'être humain, la vie nous amène à faire des choix. Ces choix peuvent aboutir sur un succès, de la joie, mais ils peuvent aussi amener à des échecs, de la déception. C’est dans cette autonomie et cette liberté de choix, que la dignité du risque a été amenée dans le domaine de la santé mentale. Avant de vous expliquer plus profondément ce qu’est la “dignité du risque”, je vous laisse imaginer que demain, on vous diagnostique un trouble psychique quelconque, et qu’on vous retire votre liberté. C’est ce qu’il m’est arrivé lorsque l’on m’a posé un premier diagnostic il y a de ça quatre ans. Dès ce moment-là tout a changé pour moi, on m’a étriqué dans une sorte de camisole, pour me protéger. Mon entourage a choisi pour moi des soignants, et ces derniers ont tracé pour moi un parcours thérapeutique. L’objectif dans cette procédure, que ça soit pour mon entourage ou pour les professionnelles de santé, c’était de me “réparer”. J'ai donc côtoyé des psychologues qui n'étaient pas faits pour moi, j’ai été interné contre mon grès. Dans ce processus, et pendant un an, mon avis n’a jamais été demandé ou pris en compte, aussi bien mon entourage que les professionnels de santé. Parce que j’étais selon eux, pas assez lucide sur mes choix à cause de mon trouble. Je pouvais donc me mettre en danger ou encore connaître des échecs qui pouvait amener à des émotions négatives. Quand on a un trouble émotionnel, et que l’on ressent tout trop fort, nos émotions négatives font tout de suite peur à notre entourage. Mais finalement, n’est pas ce que l’on fait chaque jour avec ou sans trouble psychique ? On prend des décisions tous les jours, qui peuvent amener à des risques. Rien que le fait de boire votre café en vous réveillant est une décision. Dans cet exemple, vous pouvez vous mettre en danger : vous pouvez renverser votre café encore trop chaud sur vous, et donc vous brûler. Et bien imaginez, que prendre cette décision de boire votre café le matin, vous ne pouvez plus la prendre seul. On vous prépare et vous fait boire du chocolat chaud, au lieu du café que vous envisagiez de boire seul. C’est exactement ce qu’il s’est passé pour moi au début de mon parcours médical. On m’a mise dans une sorte de cocon, et on a pris toutes les décisions à ma place. J’étais jeune, donc encore avec ce petit penchant rebelle. Donc pour me sortir de ça, je suis partie en trombe de chez mes parents et suis allée m’installer dans une autre ville. Après avoir été obligé d'être dans un cursus psychiatrique, j’ai préféré mettre des œillères sur mon trouble. Et ce déni aura duré deux ans, deux ans pendant lesquels, j’ai fait le choix de vivre seule, de prendre moi même mes décisions et de travailler. Tout se passait bien jusqu’à mon burn out, qui n'était en réalité que le retour de mon trouble. Probablement n’avais-je plus l'énergie suffisante pour prendre le dessus. Là où je veux en venir, c’est qu’une fois que le revers de la médaille s’est retourné sur moi, j’ai dû revenir au cocon familial. Je m’attendais à retourner dans ma camisole, mais non. On m’a laissé ma dignité du risque. Mes parents, ma mère principalement, m’a conseillé de rencontrer Olivier, mon paire-aidant, qui m’a de suite dit que “j’étais maître de mon parcours, et que je décide ce qui est mieux pour moi, selon moi”. Sachez que me laisser ma liberté, tout en ayant un trouble m’a permise de rencontrer ma psychiatre, qui m’a elle aussi, laissé le choix sur mon traitement, sur la reprise d’un travail ou non, sur travailler sur tel ou tel aspect de mon trouble. Je suis devenue maître de mon parcours psychiatrique, et maintenant, bien que je ne sois pas “réparée” comme l’aurait voulu mon entourage avant, j’accepte et j’avance avec mon trouble, car on m’a laissé ma liberté et ma dignité de choix. Je peux prendre des décisions, même si j’ai un trouble, et comme tout le monde je peux me prendre des murs, mais me relever et connaître des succès. C’est dans ce principe qu’est mise en place la “dignité du risque”, on laisse les patients être dans la vie active, on les laisse faire leurs choix et surtout on les laisse prendre des risques. On arrête d'infantiliser ces personnes, sous le couvert qu’elles ont un trouble. Parce qu’avoir un trouble, ne signifie pas devenir spectateur de sa propre vie, mais bien de devenir acteur avec un petit bagage en plus.
EMA F.